INÉDIT : La Scierie Tarteret a créé un algorithme d’optimisation de débit de bois en temps réel grâce à l’IA
Vendredi 7 février 2025 s’est déroulée l’inauguration de ce système issu d’un travail de recherche et de développement de 2 ans, mobilisant la scierie Tarteret basée à Estissac (Aube), le CEA et le CETIM.
INITIATION D’UN PROJET AMBITIEUX
« La concurrence étrangère, tant sur l’achat de la matière que dans l’importation de produits semi-finis, contraint toutes les entreprises de la filière bois à devoir optimiser ses coûts de production tout en cherchant de valeur ajoutée dans de nouveaux produits ou débouchés », constate Bertrand Tarteret, dirigeant de la scierie et membre du Pôle Bois Sud Champagne, le collectif local de la filière.
En 2023, l’entreprise décide de s’attaquer à la réduction de la perte « matière » lors du débit. Une étude de faisabilité lui montre qu’il n’existe pas de systèmes autonomes de cette nature. L’entreprise décide alors de développer un algorithme d’optimisation du débit de bois en temps réel par l’intelligence artificielle. « Encore fallait-il constituer l’équipe projet et pouvoir mobiliser 1,6 M€ sur ce nouveau système », se remémore Bertrand Tarteret.
Grâce au caractère innovant et inédit du projet, l’entreprise a bénéficié d’un large appui de financeurs : l’Europe à travers les fonds FEADER, la Région Grand Est, BPI (Banque publique d’investissement) et l’ANR (Agence nationale de recherche). « L’agence de développement économique Business Sud Champagne a apporté son expertise dans le montage des dossiers de financement », souligne le dirigeant.
LA CARACTÉRISATION DU PROJET
L’entreprise a développé un algorithme basé sur un système de vision traditionnelle grâce à des GoPro. « L’algorithme scanne nos planches en cours de production à une vitesse de 2 mètres par seconde. Il les reconstitue, détecte toutes les singularités et propose le schéma de découpe optimal pour les opérateurs », explique David Vanhelle, directeur opérationnel de la scierie, en charge de ce projet.
« Nous avons fabriqué un démonstrateur qui existe nulle part aujourd’hui », précise David Vanhelle. Afin d’accompagner techniquement et financièrement un tel projet, différents partenaires ont été sollicités :
- Les structures économiques d’accompagnement du territoire (Business Sud Champagne, CCI Troyes et Aube)
- Un ingénieur de recherche spécialement recruté pour développer et mettre en place la structure de l’algorithme de détection
- le CEA (Commissariat d’énergie atomique) de Metz, mandaté pour développer l’architecture de la solution.
- le CETIM (Centre technique des industries mécaniques) pour valider les choix des machines et les plans d’installation proposés par l’intégrateur.
LE DEMARRAGE DU PROJET
Aujourd’hui, 3 prototypes de machines viennent d’être implantés et sont en production. « Nous avons renforcé notre effectif de maintenance avec 2 nouveaux collaborateurs. Les opérateurs déjà en poste ont évolué, d’empileurs à conducteurs de lignes. Le personnel en place manipule ces lignes de production au quotidien, ils sont sources de proposition lorsqu’il y a des dysfonctionnements », précise David Vanhelle. Le procédé est évolutif, l’entreprise a la possibilité de modifier les paramètres internes de l’algorithme en fonction des cours de marchés. Le logiciel est en lien avec les stocks pour donner les priorités de fabrication et permettre de valoriser au mieux chaque planche qui va être débitée.
« L’IA et la robotique peuvent être mal perçus en entreprise car il y a une peur de perdre de l’emploi. Alors que l’objectif est d’aller encore plus loin, avec le même personnel et les mêmes machines. En le faisant intelligemment, on en fait beaucoup plus et beaucoup mieux. Le personnel l’a très bien intégré, c’est d’ailleurs pour cela que le projet a pu aboutir car il est nécessaire que le personnel en place valide le projet pour que cela fonctionne », souligne Bertrand Tarteret.
« Grâce au travail de toute l’équipe sur les 24 derniers mois et aux co-financements publics, nous avons réussi à relever ce défi technique. Nous améliorons le rendement financier sur chaque planche d’environ 15 %, nous donnant les moyens de nous positionner sur les achats de grumes, de poursuivre nos investissements, de nous diversifier et de préserver l’emploi local », précise le dirigeant.
TÉMOIGNAGES DES ACTEURS DU PROJET
CEA (COMMISSARIAT D’ENERGIE ATOMIQUE)
- Pouvez-vous vous présenter ?
Le CEA est un organisme public de recherche et a notamment pour mission la valorisation et le transfert des connaissances, de compétences et de technologies diffusantes vers l’industrie.
A travers la Direction de la Recherche Technologique, le CEA mène des recherches et développe des technologies d’usage générique, pouvant s’appliquer à tout type de domaine d’application technologique/marchés, qui présentent l’intérêt de pouvoir être diffusées dans différents domaines industriels. Ces activités sont réalisées au sein de 3 Instituts : le LETI (Laboratoire d’Electronique et des Technologies de l’Information), le LIST (Laboratoire d’Intégration des Systèmes et des Technologies) et le CTReg (CEA Tech en Région).
- Dans quelle mesure avez-vous travaillé sur ce projet ?
Le CEA a accompagné la société Tarteret dans le développement d’un système permettant l’optimisation de la découpe du bois de chêne par IA.
Nous avons eu en charge :
– Réalisation d’un état de l’art des solutions existantes pour identifier et localiser rapidement les singularités dans le bois
– La sélection et l’entrainement des algorithmes IA pour l’identification et la localisation des singularités sur les planches
– L’optimisation de la découpe des planches en fonction des singularités, leur position, du prix de vente, des stocks, etc.
- En quoi est-il innovant ?
L’association IA et optimisation de découpe existe dans déjà dans le domaine des bois résineux. Le chêne quant à lui présente une diversité d’aspects et de singularités bien plus complexe que ces derniers. L’état de l’art réalisé en début du projet n’a pas permis d’identifier de solution disponible pour cette essence de bois. Le CEA, en partenariat avec la scierie Tarteret, a donc développé une solution IA permettant d’optimiser les découpes en fonction des singularités présentes dans les planches de chêne. Cette IA est capable d’identifier N singularités et de comparer plus de 1000 possibilités de découpes en quelques secondes afin de proposer la plus rentable.
- Vos satisfactions ?
Ce projet était un vrai défi technique et a permis à la scierie Tarteret de gagner en productivité. Le système développé s’inscrit dans une démarche écoresponsable en permettant de valoriser au maximum la grume de chêne. Une belle histoire s’est construite entre l’entreprise Tarteret et le CEA. Un collaborateur du CEA a d’ailleurs rejoint l’entreprise Tarteret pour continuer l’aventure.
SPC TECADIS
- Pouvez-vous vous présenter ?
La société SPC TECADIS fournit des solutions sur mesure et facilite le lien « Homme/Machine ». Nous accompagnons les entreprises pour mettre en place de nouvelles technologies autour de l’industrie 4.0. Nos domaines d’applications sont les lignes de production et la gestion globale des process.
Ces machines sont conçues dans notre bureau d’études, assemblées et automatisées dans nos ateliers de production.
- Dans quelle mesure avez-vous travaillé sur ce projet ?
SPC TECADIS a accompagné la société Tarteret dans l’étude et la réalisation des moyens pour identifier, reconnaitre, localiser et marquer des planches. Nous avons eu en charge :
– La recherche et le développement de solution pour répondre au besoin
– Les études d’implantations des solutions dans l’usine.
– La définition et la fabrication mécanique.
– La définition électrique et le câblage.
– Le développement et la programmation de solutions de Vision industrielle.
– Le développement et le dimensionnement des solutions de marquage.
– La programmation de la gestion automatique des cycles.
– La programmation de la gestion de données pour alimenter IA.
- En quoi est-il innovant ?
Cette solution existe nulle part dans le monde ! Tout est innovant !
C’est un ensemble de tous les records :
– Solution IA pour optimiser les découpes en fonction des défauts dans les planches en comparant plus de 1000 références
– Solution IA pour faire de la reconnaissance du contour de planche
– Solution d’identification haute vitesse à 60 mètres/min
– Solution de traçage des découpes sur une envergure de 8 mètres
– Développement d’une imprimante sur bois de 3,5 x 1,5 mètres
- Vos satisfactions ?
Ce projet était un vrai défi technique pour nos équipes et nous sommes fiers du résultat obtenu.
Travailler pour l’optimisation des ressources naturelles est une réelle satisfaction pour tous nos salariés. Une belle histoire d’hommes s’est construite entre M. Tarteret, ses équipes et le personnel de SPC TECADIS. Nous tenons à le souligner, et à les remercier.
CETIM (CENTRE TECHNIQUE DES INDUSTRIES MECANIQUES)
Alexandre BAILLEUL – Chef de projet en automatisation et robotisation :
« J’accompagne les entreprises dans leur projet d’automatisation, du diagnostic technique, en passant par la rédaction de cahier des charges, consultation des intégrateurs, essais de faisabilité…
Notre neutralité nous permet de prescrire objectivement la bonne solution au bon endroit. Appuyés par des experts métiers, nous sécurisons les investissements et les procédés et apportant notre expérience sur l’ensemble des compétences mécaniciennes ».
Le projet porté par Tarteret Philippe était un projet ambitieux, mêlant automatisme, robotique, vision et IA, cocktail encore assez rare dans les industries mécaniciennes, encore plus dans une scierie.
Les défis étaient nombreux, l’environnement de la scierie étant non répétable : les produits sont vivants, aucun n’est semblable à un autre.
L’objectif du CETIM était de sécuriser les investissements en apportant sa méthode de travail et son expérience sur l’automatisation, afin de prodiguer un regard critique sur les choix techniques, et assurant un suivi du projet.
Mettre en place un tel équipement en seulement un an n’a été possible qu’avec l’implication de toutes les parties prenantes.
L’innovation apportée par le projet démontre concrètement l’apport de l’IA dans nos industries, et plus largement la capacité de la France et de l’Europe à soutenir le tissu industriel pour le rendre plus compétitif.