Benoit Savourat
Interview de Benoit Savourat – La Chanvrière
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je m’appelle Benoit Savourat, je suis agriculteur à la Louptière-Thénard, un petit village du département de l’Aube à proximité de Nogent-sur-Seine. Je gère une exploitation familiale, que j’ai repris en 1991. Sur cette exploitation je cultive évidemment du chanvre mais aussi des betteraves, de la luzerne, du colza, des céréales et toutes sortes de cultures dans les rotations.
Je suis également administrateur de la coopérative La Chanvrière depuis 1996, j’ai été élu président en 1998 et je le suis toujours aujourd’hui.
En quelques mots, comment décririez-vous la Chanvrière et son action territoriale ?
La coopérative La Chanvrière est la plus ancienne unité de transformation de chanvre en Europe. Elle a été créée en 1973 par un groupe de 90 agriculteurs qui ont décidé de monter un outil de transformation pour extraire la fibre de la paille et la vendre. Cet outil de transformation a démarré son histoire à Bar-sur-Aube et a bien évolué depuis puisqu’en 2021 nous regroupons plus de 500 agriculteurs.
À ce jour, La Chanvrière représente 60% du chanvre français et 1/3 du chanvre européen. Nous sommes donc l’unité de production la plus ancienne mais aussi la plus importante en France et en Europe. Tous les développements du chanvre industriel qui ont vu le jour sur le territoire ont été soit initiés, soit développés, soit imaginés par la Chanvrière. Je pense notamment à l’utilisation de la chènevotte dans les litières animales et dans les matériaux. La première maison qui a été rénovée en béton de chanvre, c’était en 1987 à Nogent-sur-Seine.
La Chanvrière est aussi à l’origine de l’utilisation des fibres de chanvre dans les composites mais aussi de l’huile de chanvre. On est donc une entreprise qui s’est développée en volume mais qui a aussi beaucoup investie dans l’innovation, la recherche et le développement de nouveaux marchés.
Pourquoi le chanvre ? Quels sont ses bienfaits ?
En France, la culture du chanvre industriel avait quasiment disparu. Si elle a survécu, c’est parce que nous avons réussi à développer une règlementation qui différencie le chanvre industriel du cannabis, avec des taux de THC très bas, inférieur à 0,2%.
L’industrie papetière a également permis le maintien et le développement de la production de chanvre dans la région. Le chanvre s’est ensuite développé en Sud Champagne plutôt qu’ailleurs, tout simplement parce qu’ici on a un environnement pédoclimatique favorable avec de bons sols et un bon climat qui permet de produire du chanvre de qualité.
Aujourd’hui, le chanvre redevient d’actualité puisqu’on comprend mieux ses bienfaits. Tout d’abord, c’est une culture qui n’a aucune utilisation de produit phytosanitaire, ni aucune irrigation et qui a des besoins en fumure, 2 fois moins importants qu’une céréale ou un colza. Le chanvre répond donc bien à toutes les attentes sociétales. De plus c’est une culture qui va stocker en 1 année 15 tonnes de CO2 par hectare, c’est-à-dire l’équivalent d’1 hectare de forêt.
Pouvez-vous nous présenter le parc de la bioéconomie à Saint-Lyé ?
Historiquement, La Chanvrière était installée à Bar-sur-Aube. Cependant, le conseil d’administration de la coopérative a fait le choix de déménager car l’outil de Bar-sur-Aube était totalement saturé. On a donc décidé d’augmenter nos capacités de transformation en montant un nouveau site industriel à Saint-Lyé à proximité de Troyes, ce qui nous permet de doubler nos capacités de transformation pour atteindre les 100 000 tonnes de pailles transformées par an.
Que pouvez-vous nous dire sur la dynamique auboise qui se met en place autour du Chanvre ?
Dans l’environnement aubois, tout est réuni pour permettre le développement d’une économie autour du chanvre grâce à un écosystème global qui se met en place. Aujourd’hui on est au début d’une aventure qui a commencé grâce à Troyes Champagne Métropole qui a compris l’intérêt de cette filière en nous aidant à créer l’association Collectif Construction Chanvre Grand Est (3C) qui porte le projet du et le Pôle Européen du Chanvre.
Le Collectif Construction Chanvre Grand Est a pour objectif de montrer l’intérêt du chanvre dans la construction en faisant connaitre ce matériau auprès de tous les acteurs de la chaîne de valeur de la construction : artisans, architectes, donneurs d’ordres, etc.
Pour ne plus seulement se limiter au monde du bâtiment, nous avons lancé en 2018, le projet Pôle Européen du Chanvre qui a pour but d’étudier tous les débouchés du chanvre en créant une dynamique autour de la filière. Le Pôle réuni ainsi des entreprises, des centres de recherche, des centres de formation, des collectifs, des acteurs économiques, etc.
Je pense que c’est un véritable atout pour le département mais aussi pour la région Grand Est d’avoir le leadeur européen de la production de chanvre sur leur territoire.
Quels sont les projets de La Chanvrière ?
Là où le chanvre a le plus de possibilités de différenciation, c’est dans le textile. C’est notre enjeu de demain. On a un écosystème textile déjà présent sur le territoire avec de nombreux savoir-faire qui se dynamise chaque jour et qui va nous permettre de développer la filière avec une fibre locale qui n’a pas d’impact environnemental.
Il y a également le chanvre dans le bâtiment, que nous souhaitons continuer à développer. Pour la suite, je fais confiance aux centres de recherche et aux ingénieurs pour imaginer d’autres possibilités notamment avec les molécules du chanvre.
On peut tout imaginer avec le chanvre. Je prends souvent l’exemple du pétrole qui au départ servait uniquement à s’éclairer, à se chauffer et qui aujourd’hui est présent partout. Pour le chanvre, je pense que c’est exactement la même chose. Bientôt il sera partout.
Depuis 2019, Business Sud Champagne mobilise ses moyens pour accompagner les acteurs du chanvre. Comment votre collaboration s’organise-t-elle ?
Business Sud Champagne a été officialisé le même jour que l’inauguration du Pôle Européen du Chanvre et depuis le début, les 2 entités collaborent ensemble et ont une vision partagée. Business Sud Champagne a vite compris l’intérêt du Pôle Européen du Chanvre pour le territoire et a réussi à saisir les premières opportunités liées au chanvre. Nous avons d’ailleurs mis en place une cellule dédiée à l’implantation d’entreprise et au développement de la filière chanvre où BSC nous apporte toute son expertise dans le développement économique.
En ce qui concerne La Chanvrière, Business Sud Champagne nous accompagne sur plusieurs dossiers. Une partie de leur travail est dédié à l’immobilier puisqu’il nous aide à trouver des opportunités pour notre ancien site industriel à Bar-sur-Aube. Les chargés de mission nous accompagnent également sur l’innovation et la recherche pour nous aider à dynamiser et à perfectionner notre activité.