Denis Arnoult
© Olivier Frajman
Denis Arnoult, Cogérant de France Teinture
Qui êtes-vous ?
Je suis Denis Arnoult, Cogérant de la société France Teinture depuis novembre 2004 et également Président de l’Union des Industries Textiles Champagne-Ardenne depuis novembre 2013.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre entreprise ?
Cadres au sein de la Teinturerie de Champagne, l’une des plus importantes teintureries industrielles à façon d’Europe, établie depuis 1926 sur le site industriel actuel, Nicola TINELLI et moi-même ne pouvions pas concevoir de laisser disparaître celle-ci, victime de la mondialisation comme beaucoup d’entreprises de la filière textile. Nous avons donc créé France Teinture, le 1er Novembre 2004, qui a repris les actifs de la Teinturerie de Champagne et 100 salariés.
Nous nous sommes attachés à la transformer, avec des investissements récurrents, et avons toujours attaché une importance essentielle au personnel, même au cours des moments difficiles vécus après la crise financière de 2008-2009, en le conservant en intégralité, et en travaillant à son remplacement, au fur et à mesure des départs en retraite, afin d’assurer le transfert des compétences et des savoir-faire. Remplacement doublé d’une formation en interne, faute de possibilité externe. Ce sont ainsi plus de 50 personnes qui ont pu être embauchées et formées en quelques années, avec un maintien de l’effectif à son niveau originel.
Que pouvez-vous nous dire sur l’activité de votre entreprise ?
France Teinture est spécialisée dans la teinture et les apprêts de tissus de toutes matières. Notre activité consiste à donner la couleur à ces matières, après leur préparation, et à en transformer l’aspect visuel (hors couleur), tactile et dimensionnel, ainsi qu’à leur apporter, éventuellement, des propriétés qu’elles n’avaient pas, au sortir du tricotage ou du tissage. Les maîtres mots de notre entreprise sont la solidité des couleurs et la stabilité des matières, deux garants de la qualité essentielle pour l’usage qui sera fait de ces matières.
Nous travaillons sur un très grand nombre de supports textiles différents pour un large spectre d’usages, allant du vêtir – prêt à porter au sportswear, de la lingerie au sport, de l’automobile au médical, de l’ameublement aux vêtements de travail, etc …
ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement), nous avons le devoir du strict respect des normes environnementales pour nos traitements et les produits qui nous permettent de les réaliser. Respect qui porte tout autant sur l’eau qui est essentielle à notre activité, et que nous ne faisons qu’emprunter, puisque pompée, traitée, elle sera utilisée pour nos bains de teinture avant d’être pré-retraitée et envoyée à la station d’épuration de Troyes Champagne Métropole qui la restituera à son milieu naturel, la Seine, plus propre qu’à son entrée sur notre site, à hauteur de 98 % de son niveau de pompage.
Pourquoi avez-vous choisi de développer France Teinture à Troyes ?
Nous n’avons pas choisi de développer France Teinture à Troyes, mais nous avons repris une activité industrielle qui n’est pas techniquement et économiquement déménageable. Déménager aurait été synonyme de création d’un site totalement nouveau, ce qui n’était pas envisageable.
Nous nous sommes donc attachés à rationnaliser et à moderniser un outil de travail composé d’un parc de machines très important et d’une infrastructure industrielle lourde, propre à l’industrie de la teinture. Notre parc comprend près de 85 machines dont certaines très impressionnantes.
Par ailleurs, Troyes est le cœur historique de la maille en France, et celle-ci reste notre cœur de métier, même si nous traitons tous types de matières. Et notre territoire a su conserver une filière textile entière, à partir du tricotage, au sein de laquelle notre entreprise joue un rôle actif.
Comment vivez-vous la crise sanitaire liée au COVID-19 ?
Comme beaucoup d’entreprises, nous avons cessé notre activité le 18 Mars jusqu’au 27 Avril, date à laquelle nous avons relancé celle-ci avec un effectif très réduit, sur la base du volontariat, afin de répondre aux demandes de nos clients par rapport à des ordres passés avant l’arrêt, à des tissus destinés à la fabrication des masques lavables et, timidement, à des nouvelles commandes.
Cette reprise était indispensable pour une activité qui ne peut pas s’effectuer à distance.
Dès la fin du confinement, l’ensemble du personnel était prêt à reprendre le travail, mais celui-ci s’est trouvé limité par le niveau des commandes et la forte nébulosité qui entoure l’activité du secteur, situation qui semble être la règle pour les prochaines semaines et les prochains mois.
Comment imaginez-vous l’après crise ?
Passée de l’ombre à la lumière, la filière textile française a su répondre aux besoins immédiats de la population, en se mobilisant pour fabriquer des masques textiles lavables, démontrant ainsi sa réactivité et sa souplesse d’action.
Toutefois, passée cette période exceptionnelle pour une production qui l’est tout autant, il faut espérer que la dépendance constatée pour des produits peu élaborés, mais vitaux, puisse être le déclencheur d’une prise de conscience de la nécessaire réindustrialisation de notre pays qui garantira indépendance, qualité et sécurité de l’ensemble des produits pouvant être ainsi fabriqués dans notre pays, parallèlement à une partie de la réponse environnementale, en diminuant leur empreinte carbone.
Le chemin sera long et impliquera une vraie politique volontariste qui devra balayer tous les aspects de cette question cruciale pour notre pays et l’emploi de nos concitoyens.
En ce qui concerne France Teinture, nous nous attachons à toujours être à l’écoute du marché et à proposer à nos clients des traitements permettant d’améliorer les produits qu’ils commercialisent, dans le respect de l’ensemble des règlementations européennes.
Territorialement, nous sommes attentifs à la montée en puissance de la filière chanvre et souhaitons pouvoir participer au traitement des matières qui seront issues de cette plante naturelle, en en préservant cette qualité fondamentale qui en fait toute sa richesse.